Voilà des films qui ne peuvent vous laisser indifférents puisqu'ils abordent les thèmes qui nous sont chers : l'œuvre de Gaston Couté et la forêt vue comme réharmonisatrice de vies humaines morcelées et d'une façon plus générale le rapport à la Nature. Nous avons choisi de vous présenter ces films , présentation assortie de quelques critiques de ces œuvres insolites.

Le DVD : "Bernard ni Dieu nichaussettes" est disponible à la vente ! Qu'on se le dise !

À soixante treize ans, Bernard Gainier, paysan aux idées libertaires, est aussi un des derniers "diseux" de la région. Quand il n'est pas dans sa vigne, Bernard sillonne les bors de Loire et la Beauce pour faire connaître l'œuvre du poète Gaston Couté, non moins libertaire, mort en 1911 à 30 ans. Il aime faire revivre la langue, parler de la condition paysanne et fustiger les nantis avec ces textes qui n'ont, hélas, rien perdu de leur actualité…

En 2009, Bernard enregistre son premier CD en solo. Une consécration qui le laisse de marbre… "j'sé d'abord un pésan ! " Sans dieu ni chaussettes…

Pour se procurer le DVD (compter 30 euros) voir le site de la coopérative de production Les Mutins de Pangée : www.lesmutins.org

Pour se procurer le CD (compter 15 €), s'adresser à Yves Tréflez : yves.treflez@free.fr

Des critiques

"Beau geste, beau film, bel homme" Télérama

"Ce magnifique documentaire honore un paysan à la tête de bois et au cœur (à gauche toute) de velours." L'Humanité/

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L'avis de Bernard Boisson :

Ce film n'a rien de "naturaliste". C'est une histoire qui sous les apparences du quotidien, rentre dans l'imaginaire profond des êtres, et évoque le choc d'une communauté rurale du Japon qui voit ses habitudes de vie rompues par la révélation d'une nature immémoriale soudainement exhumée de la terre (de l'inconscient). Ce film se présente comme une fresque des moeurs à travers le monde intérieur de chacun qui se voit brusquement chamboulé au final par l'apparition d'une forêt de géants fossiles. Une population ressitue sa vie par rapport à des repères d'existentiels (le rapport au monde originel) dont l'ignorance l'avait rendue orpheline. C'est un film tout en impressions, en poésie, en langage symbolique, jouant beaucoup sur la suggestion des présences dans la pénombre (très japonais). C'est un conte-métaphore de notre retour psychologique à la nature. 
 Ceux qui veulent de la densité d'action à la minute carré et du scénario crescendo extrêmement explicite seront déçus, mais ceux qui aiment un langage cinématographique plein de subtilités appprécieront notoirement.

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François Robin a aimé aussi, mais…

La fable est un peu grosse… momifiée en quelque sorte… Retrouver ses racines… à la suite de la tempête qui révèle les troncs d'arbres séculaires enfouis par un cataclysme volcanique ancien… Les arbres cul par-dessus tête… Dans le genre : "Shorts cuts" de Robert Altman, on fait pas mieux… A une humanité qui a perdu ses repères et pour qui la vie se traduit en destins parallèles… Kohei Oguri (auteur de L'Aiguillon de la mort, récompensé à Cannes en 1990) propose la solution végétale… Retrouver la forêt fossilisée sous nos pieds… la respiration du bois !? Y'a que du bon ! Mais c'est finalement assez théâtral ! On nage en plein symbolisme. D'ailleurs la déambulation de la population du village entre les troncs déterrés n'est-elle pas tournée en studios ? Une démonstration qui se tient… et nous laisse avec quelques images formidables (le reflet de la baleine dans l'eau) et ou la réalité bascule dans le fantastique… mais par ailleurs sans grande émotion…

Présentation du film

Synopsis : Une petite ville d'une région montagneuse. Lycéenne, Machi n'a pas encore trouvé sa voie. Un jour, elle s'amuse à inventer des histoires fantastiques avec ses copines : chacune à sa manière poursuit ces récits imaginaires qui tissent entre elles un lien invisible. Les adultes évoluent dans un monde parallèle : eux ont fait leur vie et sont plongés dans les réalités du quotidien. Adolescents et adultes semblent suivre côte à côte deux trajectoires qui ont peu de chances de se rencontrer. Et pourtant, des similitudes entre les deux parcours commencent à poindre. Un jour, une tempête provoque un terrible éboulement sur un terrain de criquet et découvre une forêt souterraine, que l'éruption d'un volcan a gardée intacte depuis des siècles. Peu à peu, réalité et imaginaire se rejoignent, passé et avenir se mêlent, esquissant bientôt un monde fantasmatique où tout devient possible... (Source AlloCiné)

Les intentions du cinéaste : "Les images font appel au sens. Elles n'ont pas la même logique que les mots. Chaque être humain perçoit les images de manière différente -et il est donc bien difficile de savoir lesquelles sont positives et lesquelles ne le sont pas. La majorité des images qui nous entourent viennent de la télévision, et plus le cinéma tente de faire concurrence au petit écran, plus les cinéastes se sentent obligés de tourner des images simplistes. La plupart des enfants s'éveillent au monde grâce à des livres d'images. Ce n'est qu'ensuite qu'ils apprennent à lire. J'irais même jusqu'à dire que nous appréhendons le monde à travers les images avant de maîtriser le langage des mots. Puisque les images revêtent une telle importance, il nous faut être d'une grande prudence lorsque nous créons des images artificielles au cinéma. Dans La Forêt oubliée, les images que nous pouvons percevoir et celles que nous voulons percevoir sont intimement mêlées. C'est pourquoi le film possède une certaine abstraction, qui était inévitable et qui risque de déconcerter certains spectateurs. Cependant, j'espère que La Forêt oubliée poussera les gens à aller davantage vers ce genre de film."

Qui est Oguri : Le Forêt oubliée est l'oeuvre du Japonais Kohei Oguri, auteur notamment de L'Aiguillon de la mort, Grand Prix du Jury et Prix de la Critique internationale au Festival de Cannes en 1990. Né en 1945, Oguri est un cinéaste qui prend son temps : en 25 ans, il n'aura tourné que cinq long métrages, son premier opus, Doro no kawa (nommé à l'Oscar du Meilleur film étranger) datant de 1981.

Une haute idée de la haute définition : Le choix d'avoir recours à une caméra numérique HD participe de la réflexion du cinéaste sur le statut de l'image : "La HD permet de capter des images que l'oeil humain ne perçoit pas. Les gens ont donc le sentiment que la comparaison entre leur regard et la HD est inégale", note-t-il. "De même, quand la télévision est née, elle a été surnommée "le théâtre d'ombres électriques" : elle avait l'apparence de la réalité, mais elle semblait encore artificielle. La HD suscite aujourd'hui un sentiment similaire. Pour ce film, je souhaitais faire en sorte qu'on arrête de croire que ce que nous montre la caméra se confond avec la réalité. Si j'ai utilisé la HD, c'est essentiellement pour susciter un questionnement ou un sursaut chez le spectateur, du genre : "Est-ce que ce que je suis en train de voir à l'écran est bien vrai ? Je voulais aussi expérimener de nouvelles images qu'on ne peut obtenir qu'en HD, et pas en support argentique."

Ground zero : Le cinéaste établit un lien entre l'histoire que raconte son film et les événements du 11 septembre 2001 : "Si (...) nous tentions d'aller au-delà des apparences, le monde nous apparaîtrait comme porteur de changements. Dans La forêt oubliée, j'ai voulu parler de choses immatérielles, comme les pensées ou les rêves. On pourrait sans doute surnommer la forêt souterraine "Ground zero". Si on n'avait foi que dans ce qu'on voit, les événements du 11 septembre ne se seraient jamais produits. Personne n'a été capable de les prévoir. Les gens en ont été témoins, mais n'ont pas tenté d'aller au-delà. Dans le monde du spectacle, on a sans doute aussi vu des avions s'écraser contre des immeubles. Mais personne ne s'y est intéressé : il s'agit en fait d'un événement prévisible qui a été mis en scène."`

Des critiques…

L'arbre qui cache la forêt...

En cherchant bien, nous avons tous en nous une "forêt oubliée" : mélange de souvenirs d'enfance, d'imaginaire enfoui, de fantasmagorie mystérieuse. Tout un monde inconnu qui fourmille de rêves étranges et de créatures insolites, dont on ne saurait dire s'ils existent vraiment ou s'ils ne sont que pures visions de l'esprit. Notre quotidien, tellement trop rationnel, est l'arbre qui cache cette forêt : le regard brouillé n'est plus capable de voir la part secrète contenue dans chaque chose.

Ce film nous suggère d'écarter les branchages et d'ouvrir grand les yeux, pour y découvrir l'au-delà des apparences, retrouver l'innocence d'un "avant" ou d'un "ailleurs" égarés, d'un moi profond, dissimulé derrière le feuillage broussailleux de la vie de tous les jours… L'originalité, c'est que cette dimension occulte n'est pas traitée sur un mode fantastique, mais prend part à la normalité. Ici, pas de fantômes horrifiques qui surgissent des antres obscures, juste quelques "apparitions", presque anodines. Trois adolescentes se racontent des histoires, et celles-ci prennent vie, le plus naturellement du monde : on se met à voir une baleine au beau milieu de la ville, ou des nymphes sauteuses au fond d'un bois.

A l'ère du numérique, le cinéma japonais est toujours en quête de nouvelles inventions : comment associer technique et création, tout en restant fidèle à la culture et aux traditions ? Dans The Taste Of Tea, Ishii Katsuhito faisait coexister dans un même univers naturalisme et incrustations virtuelles ; Kohei Oguri explore, lui, une autre piste, qui consiste à transformer le réel en faisant apparaître l'invisible, comme élément intégré à cette réalité. Bel exemple d'exploitation de la HD, qui rend l'image à la fois concrète et trompeuse... Un conseil : en allant voir ce film, ne vous fiez pas à vos sens, mais à votre intuition !

Laurence Berger

Tout ne tient qu'à un fil ténu dans l'univers des images de Kohei Oguri ; mais, à vouloir refuser toute architecture, le cinéaste s'approche aussi, dangereusement, du précipice. " H. N (article entier disponible dans Positif n°533-534, page 106

L'halluciné : A mi-chemin entre conte traditionnel et art contemporain, «la Forêt oubliée» de Kohei Oguri : hypnotique. Philippe AZOURY. QUOTIDIEN : mercredi 28 décembre 2005

Ce film est une énigme. Tombé en silence, en plein Festival de Cannes (il était à la Quinzaine), c'est l'ovni dans toutes ses fonctions: il ne ressemble pas, il échappe, on ne comprend le message qu'en partie. Son étrangeté tout en beauté le rallie instantanément à l'idée qu'on se fait du cinéma japonais: philosophie écologique moussant à même l'écorce de l'arbre, conviction de la supériorité magique de la nature sur l'homme, et tout cela qui semble ne plus exister qu'en Afrique et en Asie.

Brocéliande ensevelie. Il y a sept ans, Charisma, de Kiyochi Kurosawa, dynamitait un tronc d'arbre millénaire avant d'abandonner la Terre à l'apocalypse: allez filmer une forêt après ça ! Oguri Kohei, auteur largement ignoré du cinéma japonais, tente l'histoire d'un village où les gens sont otages de leur propre imagination. Un endroit rongé par la rêverie, habité par des filles qui se racontent des histoires qui n'en finissent pas, et qui se réinventent à chaque reprise en main. Et où un jour, en guise de pot aux roses, remonte une forêt, gisant six pieds sous terre, endormie, endormante, ancienne de 3800 ans ­ Brocéliande ensevelie qui diffusait depuis en dessous une bizarrerie supernaturaliste nervalienne. Est-ce seulement possible: oublier une forêt ?

Au risque de se contredire, admettons tout de suite: ce film «spécifiquement japonais» aurait pu être tourné n'importe où. Conte africain en boubou, jeu oulipien moderne façon Italo Calvino période Si par une nuit d'hiver un voyageur (je commence une histoire, que tu devras poursuivre, ad lib), imagerie cheap inimitable lignée Méliès-Averty, avec des effets de Noël psychédélique, et autres cachotteries iconoclastes. Derrière tout ça, qui fait déjà beaucoup, il reste encore l'art contemporain en entier, l'angoisse Land Art et le gigantisme Jeff Wall, l'idée d'un plan grand tout, d'un plan tableau.

Oguri aurait pu, à vouloir être trop de choses à la fois, un magicien et un artiste conceptuel, un griot et un peintre surréaliste, se prendre les pieds dans ses images. Il est parfois moins une: quand les trois héroïnes à socquettes, raconteuses d'histoires, enfants trop grandes, s'apercevront que dans leur conte marabout (d'ficelle) «l'histoire est un véhicule, on monte et il ne reste plus qu'à vivre», on sait que c'est dit de justesse. Pile quand on songeait à descendre en marche (parce que l'abstraction...). Alors, on reste, et on regarde ­ car écouter ici est subsidiaire, ce qui est paradoxal pour un film griot.

Tourné en vidéo HD. De toute façon, personne ne peut plus sortir de ce film. L'Ange exterminateur de Buñuel regardait des invités qui, ils ne savaient pourquoi, n'arrivaient plus à sortir de la maison; nous sommes à notre tour ces invités: une force ancienne nous retient à ce siège, devant ce qui exige que nous renoncions à nous raccrocher aux branches du sens, des mots. Il y a là de l'hypnose. Comme chaque fois qu'on fait face à des images aussi composées, massives, il en émane une sorte de sorcellerie, maladie dont on ne verrait que les effets. Le récit est épuisé. Le réel aussi, faute d'y croire. Reste l'image, un livre d'images, une forêt d'images, une «hallu».

La Forêt oubliée a été tournée en HD (vidéo haute définition). C'est comme si, en prenant en compte le pixel comme molécule de ses plans, un cinéaste se renversait du côté du fantastique infini, voguant d'hallucination en lévitation (en guise d'éléphant rose: baleines, chameaux, lampions, chiens en plâtre rouge) et de visions en manipulations possibles. Il n'est pas impossible qu'Oguri ait beaucoup emprunté aux oeuvres du jeune plasticien français Xavier Veilhan. Reste, quoi qu'il en soit, un engagement à vouloir retrouver la racine du cinéma (l'image, le conte) tout en refaisant pousser la forêt cinéma dans un autre champ, envisageant son avenir plutôt du côté de l'art contemporain. Même si, à ce jeu-là, le second aura toujours plus de puissance. Une oeuvre expose un concept dans son immédiateté, c'est sa force. Un film doit se débattre avec un cadavre qui bouge encore: le récit.

Une lueur. Alors Oguri fait des coups: une lumière blanche éblouissante qui entre par effraction dans le plan au moment même où, sous un contre-jour, on annonce la présence de la forêt en est un ­ magnifique. L'année ciné se termine sur cette lueur-là: un opus en partance pour l'ère du film-installation, du film-site.

Une dernière critique, celle de Télérama

Ce film repose sur une question métaphysique : et si notre perception du monde était unique, impartageable, fruit exclusif de notre propre cerveau ? Sans ligne narrative précise, Kôhei Oguri vogue au gré de ses réflexions sur l'indéchiffrable expérience de la vie. Ses personnages appréhendent leur existence en faisant confiance au hasard. Ainsi ces adolescentes réunies dans un café aux vitraux gothiques, qui se livrent au jeu des cadavres exquis. Ou cette fillette fixant un bateau en papier filer sur l'eau d'un torrent, chargé de trésors imaginaires. Ou encore cet homme de théâtre qui fait surgir une gigantesque estrade du sol d'une forêt. Autant de silhouettes perdues dans les ténèbres de leurs angoisses, dont la survie passe par une poétisation de chaque minute vécue.

D'une esthétique obsessive et profondément envoûtante, les images sont souvent en contre-jour. C'est beau, une fenêtre la nuit, ressasse le cinéaste en multipliant les trouées de lumière dans l'obscurité, échappées possibles vers un ailleurs paisible. Très haché, volontiers abstrait, parfois hermétique, ce rébus mental offre des moments d'une poésie rare. Il s'achève sur une adaptation intrigante du mythe de la caverne de Platon. Et nous laisse avec une montagne de questions sans réponse. Ce culte du doute le dédouane au moins de toute prétention.

Marine Landrot Télérama n° 2920 - 31 décembre 2005.

LA RÉALITÉ DÉPASSE LA FICTION !

Postérieurement à la sortie du film "La forêt oubliée" une information nous apprend les éléments suivants (Jugez-en par vous-même !) :

Une forêt du miocène enHongrie

PALÉOBOTANIQUE : Des arbres vieux de huit million d'années, et exceptionnellement bien conservés, ont été découverts dans une mine à ciel ouvert en Hongrie;

Parfaitement conservés, les seize Taxodium distichum (cyprès des marécages) gisaient au fond d'une immense crevasse, profonde de 60 mètres. Pour les ouvriers de la mine de lignite de Bukkabrany, à 160 km au nord-est de Buda-pest, il n'y avait là rien de particulièrement étonnant, la mise au ,jour de troncs d'arbre carbonisés étant monnaie courante lors de opérations d'extraction. Mais ces seize-là n'étaient pas tout à fait comme les autres. Âgés de huit millions d'anmées -datant d'une période, appelée miocène, où le continent européen était partiellement submergé par les eaux-, ils auraient été subitement ensevelis par une tempête de sable, qui leur aura permis de traverser les époques sans dommage, ou presque, "la découverte est exceptionnelle car les arbres ont été conservé leur structure en bois", explique Tâmas Pusztai, directeur-adjoint et chef du département archéologique du Musée Qtto-Herman de la région. Ils n'ont été ni carbonisés ni fossilisés.»

Dans un décor lunaire, la pente forêt de cyprès pointe ce qu'il lui est resté de cimes vers le ciel,

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dans un périmètre de moins de 100 m2. D'une hauteur de 4 à 6 mètres pour un diamètre de 1,5 à 3 mètres, leur taille réelle devait approcher les 30 ou 40 mètres. Ils étaient recouverts d'une épaisse couche de sable gris, lui-même surmonté d'une fine bande de sable jaune, c'est cette gangue naturelle qui est à l'origine de leur survie miraculeuse.

«Les troncs ont été conservés dans leurs forme et matre originales, explique Mikiôs Kazmer, directeur du département de paléontologie de l'université des sciences Lorand-Eotvos. La conservation exceptionnelle des arbres est due à une soudaine tempête de sable qui a recouvert la forêt jusqu'à une hauteur de 6 mètres. La partie ensevelie sous les sables est restée rnagnifiquement intacte », grâce à l'absence de bactéries dans dans la couche de sable gris. "L'importance de la découverte réside dans le fait que tant d'arbres ont été préservés à leur emplacement original, dans un seul et même endroit, renchérit Alfred Dulai, géologue au Museum hongrois d'histoite naturelle. La vraie rareté concernant ces arbres est que leur bois original a été préservé. Ils ne sont pas transformés en pierre. »

Grâce à ce parfait état de conservation, les scientifiques espèrent découvrir une mine d'enseignements sur la flore du miocène, et cerner un peu mieux les origines de la Pannonie. Cette plaine sur laquelle^est apparue la Hongrie contemporaine était il y a huit millions d'années une immense étendue d'eau, le lac Pannôn, sur les rives boueuses et marécageuses duquel prospéraient les Taxodium.

Les troncs étant de matière organique, il serait possible de procéder à des examens de dendrochronologie, une méthode de datation des changements climatiques par l'étude des anneaux des arbres, qui devaient avoir 300 à 400 ans au moment de leur mort « Et puisque des arbres ne sont pas nés le même jour, il est possible d'étudier une période s'éîalant sur 1000 à 1500 ans », s'enthousiasme Janos Veres, archéologue en chef du chantier improvisé au cœur de la mine.

Après l'annonce officielle de la découverte, le 31 juillet, le ministre hongrois de l'Environnement, Gabor Fodor, évoquant une «sensation mondiale», a assuré que son gouvernement allait investir plusieurs millionsd'euros pour assurer la préservation des 16 cyprès du miocène. Ceux-ci seront, à terme, exposés dans un aquarium reproduisant les conditions humides de leur longue hibernation, dans le centre pour visiteurs d'Ipolytarnoc, au sein du parc national de Bükk. Maisa faut faire vite. Sounus au contact de l'air et du soleil, très nocifs pour un bois si ancien, les troncs ont perdu leur cellulose qui servait de colle aux membranes des céllules des arbres, et ont commencé à se dessécher quasiment à vue d'œil. MAURIN PICARD

LA FORÊT DE MOGARI

un film de Naomi Kawase (sortie 11/2007)

Une belle méditation sur le deuil et la solitude de la Japonaise Naomi Kawase, 39 ans, grand prix du Jury du dernier festival de Cannes. Une fable contemplative mais loin d'être triste.

Lui, est un vieil homme qui a perdu sa femme il y a bien long-temps et aussi un bout de sa mémoire. Il vit dans une maison de retraite. Elle, est aide-soignante dans ce même établissement, cachant une infinie tristesse, celle, on le découvrira, de la perte d'un enfant. Le hasard d'un accident de voiture, lors d'une sortie, les fait se retrouver seuls et ensuite égarés dans la forêt de Mogari ; Mogari désignant la période consacrée au deuil, ou encore le lieu du deuil et, si on se réfère à son étymologie Mo Agari,la fin du deuil. Ce sera bien, d'une certaine façon, la fin du deuil pour le vieillard à la recherche de la tombe de sa femme morte 33 ans auparavant, alors que, selon la croyance bouddhiste japonaise, c'est à la 33e année que le défunt ne peut plus revenir dans le monde des vivants et rejoint le royaume de Bouddha, et pour la jeune aide-soignante, qui va retrouver une forme d'espoir.

Dans ce récit initiatique tout réside dans le trio que les deux personnages forment avec la nature. Une très belle scène les voit ainsi se poursuivre, tous deux vêtus de couleurs claires et s'amusant comme des enfants dans l'étonnant labyrinthe de verdure d'un jardin de thé. La réalisatrice explique que la nature lui inspire un sentiment de sécurité qu'elle tente de traduire dans ses images. « C'est quand nous trouvons du réconfort dans des choses immatérielles telles que les sentiments humains, la lumière et le vent, ou l'ombre de quelqu'un qui vient de mourir, que nous pouvons alors assumer notre solitude », avait-elle souligné en recevant son prix à Cannes.

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Exactement le film que l'on pouvait souhaiter… Pas d'arnaque ; la forêt n'est pas là pour faire beau. Dès les premiers plans, elle s'impose comme le personnage central du film. Virtuosité certes mais surtout une ambiance unique signée Naomi Kawase et déjà présente dans le "Silence du Monde" et "Shara" : une ambiance faite de fraîcheur en même temps que de douleur lancinante qui entre en résonance avec l'univers végétal et la forêt tout particulièrement. Comment mieux rendre sensible l'intelligence, la réactivité et le mouvement du végétal qui se plie aux caprices du vent sans rien renier de sa liberté ? Pas de réduction au symbolisme ici, le végétal participe au développement de l'inaction… Inquiétante et oppressante, la forêt s'avère, au final, après un parcours déboussolé des protagonistes désorientés, rédemptrice, au prix d'une mise à nu et d'une profonde empathie… au prix d'une mise en terre… Retour à la case départ…

Courrez vite voir ce film avant qu'il ne disparaisse des écrans ou guettez sa sortie en DVD! F.R.

Une forêt de symboles : une fugue champêtre tourne au voyage intérieur.

…Comme dans Shara, son précédent film, la Japonaise Naomi Kawase observe les séquelles de la disparition d'un proche. Les héros de La Forêt de Mogari sont d'inconsolables survivants ; elle, jeune mère orpheline de son enfant, et lui, vieillard veuf depuis trente-trois ans. Deux héros fragiles, que la réalisatrice filme avec cette empathie délicate qui éclairait déjà ses œuvres précédentes. Mais quand le récit s'ouvre sur l'extérieur, et que Shigeki s'enfonce dans les profondeurs de la forêt, à la recherche de la tombe de sa femme, talonné par Machiko, l'image palpite, semble se dilater. Le regard de la cinéaste est comme aspiré vers les cimes, exalté par la majesté des arbres. Toujours en mouvement, crapahutant sous les feuilles attentives, les deux solitaires se tendent un étrange miroir de douleur et de compassion. Ils vont se perdre, et se retrouver, de plus en plus loin dans la forêt de Mogari, temple verdoyant et frémissant. Tout se joue là, dans la touffeur élégiaque du sous-bois, dans la présence enveloppante de la nature, filmée au plus près de la matière, humus, bois et feuilles, comme un fantastique corps végétal. Ou une comme une éblouissante divinité shinto, principe de vie et de mort.

Cécile Mury (TÉLÉRAMA)

Lors d'un entretien avec la réalisatrice et à la question : "Pourquoi accordez-vous une telle place à la nature ?", Naomi KAWASE a répondu : "Elle est en effet à égalité avec mes personnages.Une certaine conception de la culture consiste à refuser la nature, à la dévaloriser et donc, à s'en protéger. On cherche à éviter les moustiques ou le vent froid. Il me semble qu'il vaut mieux essayer de coexister avec la nature. Peut-être qu'avec les moustiques, quand le vent froid souffle, notre manière de penser est un peu différente. Et c'est aussi bien non ? On ne connaît qu'un seul environnement, et nos cinq sens ne se développent pas. Pour moi, être dans la nature, c'est se développer soi-même."

Nous avons aimé aussi : "Into the wild" un road movie de Sean Penn. Bientôt des commentaires (Merci de nous adresser les vôtres).

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