Gaston COUTÉ (1885-1911) a loué, en 1899, pour être plus à l'aise, plus libre, à quelques pas du Moulin de Clan où habitaient ses parents, et sous le prétexte de travailler dans le recueillement…une petite maison qu’il appelait irrévérencieusement “La turne”. S'y sont succédés ses amis ; outre Maurice LUCAS, Tony TAVEAU, Pierre Mac ORLAN et bien d'autres… LUCAS rédigera le texte d'une plaque commémorative canularesque (ci-dessous)… | ||
ICI, AN DE GRÂCE 1899 aux mois d’août et septembre cohabitèrent Le poète révolutionnaire Maurice LUCAS et le poète paysan beauceron libertaire Gaston COUTÉ |
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(…) Si jamais de pâles bourgeois viennent pour louer la bonne “turne”, que cet épitaphe ne les effraie pas trop ; nous n’avons pas oublié de dynamite dans un coin…” Maurice LUCAS dans Journal du Département de l’Indre de l’époque. Une plaque pour "la turne", ainsi qualifiée par les comparses et dont la localisation a pu varier d'Aulnay à Roudon selon les années, ce qui les situaient d'une manière ou d'une autre à quelques centaines de mètres du Moulin de Clan. | ||||||||
Mac ORLAN en témoigne avec un souvenir ému… "Je suis allé a Roudon. J'ai titubé sur les planches mal assujetties qui franchissent les Mauves dans les prairies si fraîches et si jeunes. Jai vu danser les filles en coiffe a l'Assemblée de Meung. Couté, vêtu de sa courte blouse bleue écrivait: “Viens danser”, ses mains noueuses de paysan crispées sur le bois du porte-plume comme sur le mancheron d'une charrue. J'aimais ainsi les paysans de la Loire et c'est pourquoi je vis depuis trente années parmi les paysans de la Brie, entre le blé et le vin, comme c'était en 1900 entre les vignes de Tavers et les champs dorés au bord de la route de Vend6me. Couté, grand poète et cœur excellent, fut longtemps mon compagnon. Chez Bouscarat, nous habitions deux chambres voisines. Couté écrivait des poèmes révolutionnaires, car il fut toujours fidèle dans sa foi qui était celle de la justice pour les plus humbles. Souvent, très souvent, les souvenirs de Meung s'éparpillaient autour de lui pour se heurter aux tristes meubles de sa chambre. Mais, il gardait farouche la pudeur de ses émotions principales: celles qui lui inspiraient de si tendres chansons d'amour. Couté vivait en apparence sans amour. S'il y eut l'apparence d'une jeune fille dans sa brève existence, personne, sans doute, ne connut son nom. Ce n'était pas une fille de Paris, mais peut-être celle d'un souvenir charmant cueilli dans la chanson des conscrits de la Loire : Ne pleure pas la belle, nous te le "renderons” Le baiser qu' on t’a pris sur les bords de la Louèère-re , Nous te le renderons, si t' en fais une histouèère-re. Quelques mois avant de mourir, au moment où la guerre de 1914 s'annonçait déjà dans les centres de recrutement de Toul et de Nancy, Couté était a Bruxelles ou il disait ses œuvres dans un cabaret. II revint a Paris pour mourir d'une congestion pulmonaire. Son oeuvre, comme celle de Villon, lui survécut grâce à la mémoire de ses fidèles et aux fascicules entassés dans les magasins poussiéreux des éditeurs de musique. L 'éditeur E. Rey, qui l'aimait bien et qui fut l'éditeur de Jehan Rictus et d' Aristide Bruant, parvint à réunir quelques poèmes et quelques chansons. Dans La Chanson d'un Gâs qu'a mal tourné- c'est le titre du volume - le choix des poèmes porte principalement sur l'aspect satyrique de l'œuvre de Gaston Couté. A mon goût, le meilleur de ce poète très personnel n'est point là. Ce n'est qu'un aspect de cet esprit guêpin dont Couté usait souvent avec une heureuse férocité. Mais, en dehors de ce goût très vif pour les revendications sociales généreuses, Couté aimait plus délicatement, plus profondément les choses tendres de son pays: les femmes, les vignes, les blés et le patois chantant des bords de la Loire. La chanson, infiniment mélancolique et sentimentale, devenait alors son plus sur moyen d'expression. Un sens très vif de la couleur, une parfaite distinction dans le choix des images et des mots firent de lui un poète paysan dont le renom grandira tout d'un coup, un jour quelconque, dans l'avenir. La misère qui avait choisi l'impasse du Tertre pour y fonder les marches de son royaume n'avait pas épargné Gaston Couté en lui offrant ses corbeilles chargées de fruits amers mais substantiels. Cette rue de Montmartre élue parmi les rues les plus obscures du monde sut, sans doute, apporter a des paysages suralimentés de lumière, de grains lourds et de vigne, la noblesse que la souffrance accorde à quelques-uns. C'est là dans sa chambre, à la lueur d'une chandelle, que Couté apercevait les jeux du soleil dans les cheveux dorés de Marie des Mauves. “ Pierre MAC ORLAN, extrait de “Montmartre” (pages 109-112) in “Œuvres complètes” Edito-Service S.A., GENÈVE | ||
Ou encore : "Mon vieil ami Tony TAVEAU, qui vécut avec COUTÉ et moi-même des heures asssez déprimantes entre la place du Tertre et la maison de Roudon-les Mauves, près de Meung, a gardé de BERNOIS, fruitier rue Norvins, l'amical souvenir que cet excellent homme méritait. Chez BERNOIS la table était toujours servie autour de la lampe allumée. Le maître de cette table partageait son pain, son vin blanc et sa bourse avec ceux qu'il estimait parce que son imagination s'émouvait de leurs récits. COUTÉ fumait souvent sa pipe à cette table. Je l'avais connu au lycée d'Orléans. Bien qu'il n'eût jamais tenu le manche d'une charrue, ses mains étaient calleuses comme celles de ses aancêtres les paysans-meuniers. C'est chez BERNOIS que je le retrouvai un soir avec son inséparable Tony TAVEAU, alors jeune licencié fraîchement émoulu de l'Université de Lyon." Pierre MAC ORLAN, extrait de “Rue Saint Vincent” (pages 101-102) Editions du Capitole 1928. | ||
"Tout a été dit sur l'humoriste Jules DEPAQUIT. Il n'en est pas de même pour Gaston COUTÉet il me semble extraordinaire qu'un tel silence entoure l'œuvre et la personnalité du plus grand chansonnier de notre temps. Nous habitions deux chambres, COUTÉ et moi, qui donnaient sur une petite cour intériieure où les ivrognes venaient pisser en sortant du cabaret qui constituait le rez-de-chaussée de l'hôtel. Nous étions tous les deux dans un très mauvaise passe et sans BOUSCARAT (*) qui nous faisait crédit, je ne sais pas trop comment nous aurions fait pour nous loger. COUTÉ composait des chansons qu'il allait vendre pour une somme très modique à un éditeur du Faubourg Saint-Martin. De mon côté j'essayais de vendre quelques dessins ou je m'abrutissais sur des besognes mal payées et stupides." Pierre MAC ORLAN, extrait de “Rue Saint Vincent” (page 137) Editions du Capitole 1928. | ||
"Puis COUTÉ ayant trouvé un engagement dans une série de cabarets belges, s'en alla et je ne revis plus jamais. Je dus à mon tour chercher un autre domicile et je descendis pour la dernière fois les pentes familières de cette colline parisienne, me jurant de ne plus y remettre les pieds". Pierre MAC ORLAN, extrait de “Rue Saint Vincent” (page 137) Editions du Capitole 1928. | ||
(*) Au jourd'hui le café de la Bohème, au coin de la place du Tertre et de la rue du Mont-Cenis, au mur duquel est placée une plaque commémorative "Ici vécut le poète Gaston COUTÉ". | ||
La collaboration de Pierre Mac ORLAN et Gaston COUTÉ «Quand c'est qu'i's ont ben tapagé Ou ben écouté mes histouères Les p'tiots guign'nt le fin haut d' l'armouère...» Gaston Coûté (Extrait de Grand'Mère Gâteau) C'est Pierre Mac Orlan qui dessina la couverture du petit format (ci-contre) de la chanson de Gaston Goûté et Léo Daniderff : Grand'Mère Gâteau (édition Ondet). En effet, avant de «recourir pour survivre» à la littérature, l'écrivain fut dessinateur et peintre. Il pensa même un temps se destiner exclusivement à l'art graphique. Puis il abandonna cette ambition. Bien lui en prit, car l'œuvre de ce poète de l'aventure présente des aspects originaux uniques dans la littérature française. (Lire à ce sujet le livre de Bernard Baritaud : Pierre Mac Orlan - édition Gallimard 1971). Pierre Dumarchey (Mac Orlan sera son pseudonyme) naît à Péronne dans la Somme le 26 février 1882. Son père est officier d'Infanterie. Très jeune, Pierre se retrouve orphelin,et un de ses oncles, inspecteur d'académie, devient son tuteur. Suivant son oncle dans ses différents postes, il passe au lycée d'Orléans où, on le sait, il fait la connaissance de GastonCoûté : dans la cour des moyens, à rentrée de la Permanence, le lieu de méditation où l'on conservait provisoirement les élèves promis à une entrevue désagréable avec le censeur... C'est donc à l'occasion d'un conflit avec l'autorité que Coûté et Dumarchey se rencontrent. Faut-il y voir un signe ? Le cas est plaisant toutefois, car l'un comme l'autre s'affirmeront dans des styles différents comme des esprits non-conformistes. Extrait du bulletin n°33 "Les Amis de Gaston COUTÉ" "Les illustrateurs de Gaston COUTÉ par Lucien SÉROUX". | ||||
| Jules Grandjouan Parmi les illustrateurs de Gaston Couté, on ne peut manquer de citer Jules Grandjouan (1875-1968), l'un de ses contemporains, qui illustra le fascicule des "Chansonniers de Montmartre" consacré à Gaston Couté le 25 juillet 1906. Le portrait qu'il fit de Couté (ci-contre, en couleurs) en page de couverture est certainement le plus authentique des portraits dessinés du poète.Il illustre en outre la dizaine de textes du fascicule, lesquels ont été reproduit dans les 5 tomes de "La chanson d'un gâs qu'a mal tourné" aux Éditions du Vent du ch'min (Librairie PUBLICO - 145 rue Amelot - 75011- Paris) Comme Couté, il figurait parmi les artistes les plus engagés à gauche ; comme lui, révolté, talentueux et fougueux. Grandjouan comptera parmi les artistes les plus sollicités dans le monde polémique de gauche, celui du syndicalisme ouvrier socialiste, anarchiste et internationaliste du début des années 1900. Un catalogue inventaire de ses oeuvres a été publié en 9 tomes avec l'aide de sa descendance par N. KOECHLIN en auto-édition (ISBN : 2 - 9512656 -5 - 4). Pour se les procurer, il faut s'adresser directement auprès de Noémie Koechlin (dite Noré) 26, rue des boulangers 75005 Paris, dont Grandjouan est le grand oncle. | |||||||||||||||||||
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