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L'oeuvre poétique de Gaston COUTÉ est regroupée sous le titre : "La chanson d'un gâs qu'à mal tourné". L'ensemble des textes qui nous sont parvenus à travers le siècle ont été regroupés dans une édition dite du Vent du ch'min, en cinq volumes, disponibles à la librairie PUBLICO 145, rue Amelot, 75011 PARIS (Tél : 01 48 05 34 08) à un prix très abordable. Le poème qui suit n'est qu'une entrée en matière parmi d'autres… pour laisser entrevoir la pertinence de la vision de COUTÉ. | ||||||||
LE TOURNEVIRE AUX VAISSELLES
Su' la grand' place, y a des baraqu's et des roulottes, Des bohémiens qu'ont des brac'lets d' cuiv' au pougnet, Et les p'tiots, du fin fond des seigl's ou des genêts Accourent avec de grous sous dans leux menottes.
L'assemblée est jolie à plein ; mais c' qu'est l' pus biau, C'est c' tourniquet là-bas, qu'a des vaissell's dessus, Des assiett's qu'ont des coqs roug's et verts peints dans l' cul, Des tass's pareill's ! - Et qui qui prend un numério? -
- Ah ! les bell's tass's ! Les bell's assiett's ! En gangner une... C'est ça qu'aurait bon genr' su' l' dressoir à la mère... Et, pour prendr' el numério qui gangne... ou qui perd D'vant l' tourniquet qui gric', les p'tiots lâch'nt leux fortune.
D'aucuns pard'nt. Et d'autr's gangn'nt eune assiette ou eun' tasse, Ceux là, d'vant les vaissell's qu' leux doigts vont tournaillant Trouv'nt qu'a font moins d'effet qu'a n'en f'sin cheu l'marchand Et tertous r'niffl'nt la galett' chaud' su' la grand'place.
La galett' chaud' ! La galett' qu'a du beurr' dedans - Un sous l'quarquier ! La bonn' galette aux croustill's d'or -... Mais les p'tiots s'en r'tourn'nt choux eux avec la creus' dent, Et c't' odeur de galett' qui les suit... Coume un r'mords...
- M'man, j'ai pardu mes sous à mettre au tourniquet. - Qu'i geignouss'ront, la têt', dans l' devantiau des vieilles Et l' pér' dira : - Hou ! queux michants couyons qu' ça fait, Qui s'laiss'nt 'cor encancher par des foutais's pareilles ! - Pourtant les p'tiots en s'ront p't'êtr' là quand i' s'ront vieux. Du rest' el' père a jamais cessé d' fair' coume eux. Il tourne au long d' sa vie l' tourniquet aux vaissell's... Y a qu'les vaissell's qui chang'nt et all's n' sont pas pus belles.
Il tourn' le tourniquet su' l'autel du curé Y a des paradis bleus qui nag'nt dans les assiett's, Des bons Gieux qui vous ouvr'nt leux bras pleins de bonté... Et quoué, tout c' que l' bagoût d' ces gâs-là sait y mett'.
Il tourn' le tourniquet su' l' canon d' la patrie : Y a des souleils de glouér' dans des plats tricolores, Des courronn's de lauriers verts, des branch's de chên' d'or Et des band'roll's ousqu'est les dévis's héroïques ! -
Il tourn' le tourniquet su' l' dous d' son député Y a des tass's aux r'bords dorés, coum' des bell's promesses : V'aurez toujou' d' la soup' grass' dans vos tass's dorées Et mêm' du vin vieux pour dorloter vot' vieillesse ! -
Quand qu'il aura jité ses sous, ses gâs, sa vie Su' l' tourniquet qui tourn' pour le bien d' ceux qu'en vivent, Il pens'ra que la loi, la r'ligion, la patrie, C'est des imag's de fouér' dans des culs d'vaisséll' vide Et la Raison cri'ra d'vant li : La galette ! chaude ! | LES MOULINS MORTS On vient d'arrêter le moulin Qui chanta, chanta, tout le jour, Son refrain tout blanc, tout câlin En faisant son œuvre d'amour... Et je suis là, ce soir, mon Dieu ! Gisant quelque part, au milieu Du moulin où plus rien ne bruit... Avec mon cœur pareil à lui !... L'odeur du buis, le son du glas, Un temps de neige, un soir d'ivresse M'attristent moins que la tristesse Des moulins qui ne tournent pas !... Les meules ont l'air d'écraser Du silence sous leur torpeur... Et le blutoir ankylosé Crible de la nuit sur mon cœur, Mon cœur déjà si plein de nuit Et que le silence poursuit Toujours, toujours, depuis le jour Où finit mon dernier amour... L'eau coule, pleurant de langueur, Sous la vanne aux bords vermoulus, Comme l'inutile douleur D'un cœur aimant qui n'aime plus... Et ce cœur-là, mon cœur à moi, Sentant sa peine avec effroi En la douleur morne de l'eau, Vient à crever d'un gros sanglot... Holà ! clair meunier de l'Espoir Qui remets en marche, le jour, Le moulin qui s'arrête au soir Comme un pauvre cœur sans amour !... Holà ! déjà l'aube éclaircit Le moulin... et mon cœur aussi ! Holà ! holà ! meunier qui dors, Ressuscite les moulins morts !... L'odeur du buis, le son du glas, Un temps de neige, un soir d'ivresse M'attristent moins que la tristesse Des moulins qui ne tournent pas !... | |||||||
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Voir également le site particulièrement détaillé de Christian LASSALLE http://gastoncoute.free.fr et tout spécialement la révolte des vignerons marnais http://perso.orange.fr/negrel/themes/gaston_coute.htm | ||